Jean-Michel Leligny a photographié des métiers par série, décalant nos représentations du « boulot » : des bouchers, des boulangers, des banquiers, des croupiers, mais aussi des femmes et des hommes bénévoles ou répondant à l’appel d’une vocation, c’est-à-dire se vouant à servir comme des pompiers ou des ecclésiastiques. Le regard face à l’objectif, la question du sens du travail y est frontalement posée, sans recul possible. Dans presque chacune de ces photos, c’est le sujet qui semble en position d’interroger celui qui le regarde et non l’inverse. Jean-Michel utilise la couleur et une lumière plus puissante que la lumière naturelle qui donne à ses photos un aspect hyperréaliste, mais qui nous plonge dans un monde quasi-surréel. Ce procédé emprunté au monde des séries télévisées lui permet de mettre en valeur des figures qui deviennent comme des personnages du récit local. La composition et la mise en scène ne sont pas dissimulées. Précisément, c’est ce geste assumé qui permet de produire à la fois un écart avec la réalité habituellement perçue et d’accéder de ce fait, à la crudité, à la vérité nue des visages et des personnes. La question du détail incongru et peu visible au premier regard, comme dans la peinture, parvient à opérer une transfiguration du banal qui fait découvrir une profondeur insoupçonnée et quelquefois mélancolique à ces femmes et à ces hommes en apparence ordinaires.

Olivier Chiche,